Bonsoir,
Continuons ce voyage en nous dirigeant vers l'ouest, en direction du Costa-Rica, pour visiter trois sites d'exceptions : le Parc National "Altos de Campana", la Région de "El Valle" et le Parc National "El Copé" encore situés dans les provinces de Panama et Coclé.
Cette région centrale du pays concentre des centaines d'espèces d'orchidées qui affectionnent, pour la majorité d'entre elles, le climat tempérée et humide de ces montagnes entre 800 et 1200 mètres.
Son attrait, au-delà de la richesse de sa faune et flore, est la magnifique vue panoramique depuis le sommet du Cerro la Cruz sur les deux océans lorsque le ciel est suffisament dégagé.
La région d'el Valle offre une grande biodiversité et est un peu "la Mecque" de l'orchidée au Panama en raison du nombre impressionnant d'espèces que l'on rencontre ici mais aussi de son marché au fleur qui a lieu les week-ends, où de nombreuses orchidées de la région sont proposées.
Encore plus à l'ouest, les montagnes commencent à prendre un peu de hauteur et l'on rencontre le parc national El Copé également appelé le parc national Omar Torrijos en hommage au Général qui s'y écrasa en avion en 1981. Isolé et un peu difficile d'accès en raison de la piste non goudronnée sur plusieurs kilomètres qui impose le 4x4, il en vaut cependant largement la peine en raison des nombreuses espèces que l'on rencontre encore une fois ici et la quiétude des lieux.
Le parc n'a été créé qu'en 1986. Il bénéficie de bonnes infrastructures et l'on peut y passer ainsi plusieurs jours en immersion totale au calme à un prix très modeste contrairement à la région d'El Valle, beaucoup plus touristique.
Les Stanhopeinae de la région
Stanhopea
Les Stanhopeas comptent plusieurs espèces avec Stanhopea panamensis, encore abondant entre 900 et 1000 mètres d'altitudes, Stanhopea costaricensis à des altitudes légèrement plus basse (600-700 m), S. confusa, S. gibbosa, plus rarement S. ecornuta et bien sûr S. maduroi qui n'a été reporté que des forêts au nord de el Valle et d'une zone frontalière avec la Colombie.
Stanhopea panamensis
L'espèce n'a été que récemment décrite par Williams & Whittens en 1988 et a été considérée jusque-là comme une espèce du complexe oculata ou elle a été confondue avec d'autres espèces du genre.
Elle se caractérise par de grandes fleurs blanches (13-15cm), un hypochile jaune et une maculation plus ou moins variable selon le spécimen. Certains spécimens sont dépourvus de toute macule, d'autres peuvent être finement pointillés et l'on rencontre aussi des formes aux macules très larges (5 à 8 mm de diamètre) plus ou moins denses. Je vous invite à faire un tour du côté du blog à Jean-Luc où différentes formes sont présentées (cliquez ici).
Exclusivement épiphyte, l'espèce affectionne les zones très humides entre 900 et 1000 mètres d'altitude, le long des petits torrents de montagne dans des zones encaissées ou fortement ombragées, en sous-bois entre 1 et 3 mètres du sol.
Dans son habitat, l'espèce forme des spécimens peu développés mais florifères. Les pseudobulbes sont peu nombreux et de petite taille, la saturation en eau de son mileu ne justifiant pas le stockage d'une grande quantité d'eau. L'espèce se rencontre également en zone dégradée.
Il a également été observé que les spécimens soumis à un ombrage presque total sont tout aussi florifères que ceux plus exposés à la lumière. L'espèce est donc véritablement ombrophile et l'établissement des plantes à l'ombre n'est pas accidentel comme pour beaucoup d'autres espèces épiphytes où les spécimens en sous-bois, ne bénéficiant pas de suffisament de lumières, restent chétifs et stérils.
Une autre observation primordiale est la grande variabilité de la maculation des fleurs au sein d'une même population ce qui témoigne d'une bonne diversité génétique.
Enfin, nous n'avons observé aucun pollinisateur visitant les deux spécimens en fleurs que nous avons rencontrés, les pollens étaient encore en place à une heure avancé de la journée et aucune fécondation sur les spécimens déjà fanés n'a été constaté.
Les autres Stanhopeinae de la région sont Gongora gibba, G. powelli et G. tricolor; Polycnis tortuosa, qui comme Paphinia sub-clausula, se rencontre à El Copé; Horichia dressleri du côté d'El Valle; deux espèces du genre Kegeliella, K. kupperii et K. atropilosa du côté du Cerro Campana et d'El Valle; Acineta meriyae qui pousse au Cerro Campana en sous-bois sur les souches pourries des arbres tout comme Peristeria aff. pendula au sommet du Gaital; Sievinkingia fimbriata, suavis et butcheri, endémique à la région d'El valle et Houlettia tigrina, épiphyte dans les zones les plus humides et moussues de ces montagnes.
Citons encore le genre monospécifique Coeliopsis avec son espèce C. hyacinthosma que l'on rencontre abondamment dans la région d'el Copé en épiphyte à quelques mètres du sol.
Je propose de vous présenter encore quelques-unes de ces espèces rencontrées en fleurs lors de nos excursions en commençant par celles du genre Oerstedella, dont plusieurs espèces fleurissent au mois d'août.
Oerstedella pseudosuchumanniana, fuscina et intermixta
Le genre Oerstedella rend hommage au botaniste danois Oersted et comprend 32 espèces qui sont pour la plupart d'anciens Epidendrums reclassés sous ce genre en 1981 par HAGSATER lorsqu'il révisa le genre.
Les Oerstedella présentent des pseudobulbes fins et allongés, des feuilles alternées, coriaces, oblongues à elliptiques et une inflorescence terminale, racème. Les fleurs ont des pétales et sépales à la texture très épaisse et un labelle divisé en plusieurs lobes, souvent trois.
Nous avions rencontré Oerstedella wallisii au Cerro Jefe (voir article précédent), une espèce que nous n'avons plus rencontré ici, en revanche, O. pseudoschumanianna abonde dans ces montagnes centrales et se rencontre aussi bien à l'état sauvage que dans les jardins des habitants. Cet Oerstedella est impressionnant par sa taille, qui peut atteindre aisément 2 mètres, et par le nombre de fleurs qu'une seule inflorescence peut développer formant alors de très jolies bouquets.
L'espèce apprécie les zones exposées au soleil où elle ne bénéficie que d'une très faible protection par d'autres végétaux. Epiphyte, on la retrouve ainsi davantage en zone dégradée qu'en forêt primaire car les arbres restants bénéficient de beaucoup plus de lumières. La végétation basse et arbustive lui convient aussi et on la rencontre alors à hauteur d'homme.
Oerstedella fuscina est pour sa part beaucoup plus rare que Oerstedella pseudoschummaniana et surtout beaucoup moins prolifique. Nous n'en avons rencontré qu'une seule plante au sommet du Cerro Campana à 1000 mètres d'altitude, dans les zones les plus humides et moussues. Elle semble donc apprécier ombre, humidité et températures tempérées.
Enfin, nous avons rencontré un troisième Oerstedella en fleur à cette saison. à El Copé où il est commun. Il s'agit de Oerstedella intermixta.
Une autre Laellinae de la région mais de basse altitude est Brassavola nodosa que l'on retrouve ici épiphyte formant d'impressionnant spécimens jusque dans les arbres des parcs et jardins municipaux comme à Penonomé ou même dans les ruines du quartier de Panama viejo à Panama city.
Brassavola nodosa est une espèce tolérante très largement répandue du Mexique au Brésil que l'on rencontre aussi bien lithophyte qu'épiphyte. Avec ses feuilles teretes, elle s'apparente à une plante succulente et supporte des conditions climatiques extrêmes ainsi qu'une certaine salinité de son environnement puisqu'on la retrouve en bord de mer à quelques mètres de l'eau salée parmi la végétation côtière balayées par les embruns marins.
L'espèce est aussi remarquable par son puissant et délicieux parfum qu'elle délivre à la tombée de la nuit.
Anacheilum crassilabia
synonyme : anciennement Encyclia, Epidendrum ou Prosthechea vespa
Encore une espèce largement répandue dans presque toute l'Amérique tropicale puisqu'on la rencontre du Costa-Rica au Pérou ainsi que dans les Antilles, à Cuba et dans les Guyanes.
Les formes rencontrées ici au Panama ont des plantes aux pseudobulbes courts et aux fleurs magnifiquement colorées et maculées comparé aux spécimens que j'ai pu rencontrer en Equateur aux pseudobulbes plus allongés, aux fleurs plus petites et légèrement pointillées. Epiphyte comme lithophyte, elle se rencontre aussi bien dans des zones préservées que dégradées.
Brassia arcuigera
synonyme : Brassia longissima
Impressionnante par la taille de ses sépales qui atteignent la trentaine de centimètres, nous avons pu observer avec émerveillement ce magnifique spécimen de Brassia arcuigera en fleur. Bercées par la brise, ses longs sépales confèrent une grâce et une élégance unique à cette espèce. Un véritable joyaux de la nature qui dans son élément prend toute sa dimension !
Maxillaria brunnea
Maxillaria brunnea est commune et se rencontre encore abondamment dans ses stations puisque ses fleurs de petites tailles en comparaison à ses larges pseudobulbes ont suscité peu d'émois chez les collectionneurs. L'espèce a été rencontrée dans les environs d'El Valle en zone dégradée et lumineuse mais aussi à El Copé en forêt primaire en bordure de torrent de montagne, à l'ombre et dans un environnement très humide. L'espèce semble donc très tolérante.
Maxillaria uncata
Un joli Maxillaria rencontré dans la région d'El Valle, ses fleurs étaient constamment visitées par son pollinisateur, Trigona fulviventris, une petite abeille qui s'engouffre jusqu'à la gorge du labelle à la recherche de la résine sécrétée par la fleur. Forçant l'accès, il provoque quelquefois la rupture de ce dernier.
Masdevalia collina
Masdevalia chontalensis est l'espèce la plus commune, elle se rencontre abondamment dans les zones les plus humides et partage son habitat avec une autre espèce, Masdevallia collina, plus rare que l'on aperçoit ici avec son pollinisateur, le petit moucheron aux yeux rouges sur la photo.
Habenaria monorrhiza
Continuons avec quelques terrestres.
Liparis nervosa
Le genre est largement répandu dans les zones tropicales du monde entier avec quelques 250 espèces le plus souvent terrestres mais ce genre est peu représenté au Panama avec seulement 5 espèces.
Liparis nervosa se rencontre dans les environs d'El Valle aussi bien en pleine terre dans les zones dégagées que dans l'humus des fissures rocheuses.
Utricularia endresii
Textes, vidéos et photos par Edouard, Rosabel, Fernand FARIA et Jean-Luc RUBRECHT. Toute utilisation et reproduction sans autorisation préalable est interdite.